[VU OFF23] Avec Mort le soleil, Guillaume Cantillon livre un Pater Noster vertigineux
Ce sera, à n’en pas douter, un des spectacles qui va diviser le public du Théâtre Transversal. Ce seul en scène, porté par Guillaume Cantillon, questionne l’hyper masculinité dans ses recoins les plus abjects. Un texte et une prouesse d’acteur à saluer.
Reprise à Châteauvallon-Liberté, les 29 et 30 mai 2024.
Après avoir découvert la dernière création de la compagnie Le cabinet de curiosités, Mort le soleil, au Théâtre Transversal, nous savons pourquoi nous suivons le travail de Guillaume Cantillon (Le cabinet de curiosités), depuis Dies Irae de Leonid Andreïev, vue en 2012 au Théâtre des Halles. Audacieux, surprenant et risqué seraient les adjectifs qualifiants chacun de ses spectacles.
Un spectacle sur les ravages de la contre-culture féministe
Pour cette création, Guillaume Cantillon fait appel à l’autrice Gwendoline Soublin pour poser des mots sur les ravages que cause la contre-culture feministe portée par des mâles en mal de reconnaissance.
Si la série espagnole Machos Alpha sur Netflix présentait d’une manière humoristique l’histoire de 4 hommes en quête d’identité masculine dans un monde plus ouvert à l’égalité, Mort le soleil est son pendant le plus sombre.
Pour son récit, l’autrice s’appuie sur l’existence de groupes d’hommes qui sévissent à travers le monde tels que les INCELS (individus qui sont célibataires malgré eux, sans sous-entendu de misogynie) et les MGTOW (Men Going Their Own Way » – en français : (Des) hommes suivant leur propre voie). Dans Mort le soleil, elle dépeint une réalité crue, viscéralement abjecte, et questionne l’extrémisme et le fanatisme de certains hommes appelant à retrouver une masculinité soi-disant perdue. Cette masculinité toxique qui s’en dégage, devient religion, une voie à suivre pour nombre d’entre eux.
Guillaume Cantillon, vertigineux et angoissant à souhait
Le spectateur suit alors l’histoire d’un homme devenu adulte à l’ombre du soleil. Ce long poème est son Pater Noster, prière de celui qui est toujours l’enfant enfermé dans son corps d’adulte en mal d’existence. À travers ses mots, il ravive sa jeunesse, sa vie tranquille jusqu’au jour où tout bascule : le divorce des parents ; Nicoletta et sa chanson « Il est mort le soleil » lorsque son père pleure ; l’arrivée de Bertand dans la maison du père, grand manitou du masculiniste et ami encombrant ; la relation père-fils qui se délite ; et surtout l’omniprésence de l’image du sexe fort, prêt à tout pour s’imposer, quitte à exploser des gueules.
Le jeu que développe le comédien Guillaume Cantillon tout le long de la représentation est à saluer et fait acte théâtral dans une mise en scène sobre cosignée par Clarice Plasteig et le comédien.
Il s’efface au profit de l’homme qui se tient devant le public et devient celui qui a passé 30 ans de sa vie entre 4 murs, celui qui explique cette descente aux enfers sans savoir réellement pourquoi il en est arrivé là. Il en est vertigineux, angoissant à souhait, et détaille ses actions et pensées de façon clinique laissant alors apparaître toute la fêlure de ce qu’il est. Toutefois, il arrive à faire sourire avec les énormités qui se répandent dans son esprit, au travers des bons mauvais conseils dont il sera le destinataire à l’âge où il se mue en adulte.
Rédemption et questionnement
Si le public le suit médusé dans son périple, il sera prêt à lui accorder sa rédemption au seuil de sa lobération. Et c’est en ce sens que tout devient troublant. Pourquoi pardonner ces gestes criminels commis délibérément ? Devenons-nous alors complices de ces actes ?
Gwendoline Soublin et Guillaume Cantillon questionnent in fine le public et le mettent face au phénomène grandissant de la masculinité toxique. Quelle serait la réaction de chacun·e si notre voisin, ami, collègue prenait ce chemin ? Que serions-nous prêt·e à faire pour le raisonner ? Et surtout, quelles seraient nos armes pour les combattre ?
Mort le soleil est un brûlot qui ouvre à la discussion. Une pièce forte et engageante comme nous n’en avions pas vue depuis longtemps. Une pièce âpre qui en mécontentera certain·e·s et à l’inverse, qui en réjouira plus d’un·e dont nous faisons partie.
Laurent Bourbousson
Crédit photo @GF-CDC
Générique
texte Gwendoline Soublin / mise en scène Guillaume Cantillon assisté de Clarice Plasteig / avec Guillaume Cantillon / scénographie Jean-François Garraud / création lumière Nieils Doucet / création sonore Zidane Boussouf / costume Corinne Ruiz construction scénographique Ateliers Sud Side / Marseille
Du 7 au 25 juillet, à 18h50, au Théâtre Transversal, relâche les mercredis 12 et 19 juillet.
production Le Cabinet de Curiosités, compagnie en résidence au Théâtre du Rocher/La Garde / coproduction Châteauvallon-Liberté, scène nationale / avec le soutien de la Ville de La Garde (83), du Conseil Départemental du Var, de la Métropole TPM, de la DRAC PACA, de la Région Sud Provence Alpes Côte d’Azur et de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon / Centre National des Écritures du Spectacle