Anne Espanet : L’Autre Scène place au cœur de sa programmation la relation à l’artiste

3 février 2015 /// Les interviews
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A l’occasion de la nouvelle création maison de L’autre scène, Orphée, opéra baroque, rencontre avec Anne Espanet, responsable de la programmation de ce nouveau lieu dans le paysage du spectacle vivant du Grand Avignon.

Laurent Bourbousson : L’Autre Scène a vu le jour, il y a deux saisons, à Vedène. Quels sont les éléments qui ont motivé la communauté d’agglomération Grand Avignon de se doter de cet équipement ?

Anne Espanet : Le Grand Avignon a, depuis sa création, pris comme compétence optionnelle la culture. C’est un choix naturel dans notre région. Mais jusqu’en 2012, cette compétence était limitée à l’enseignement artistique public à travers le Conservatoire à Rayonnement Régional et son déménagement dans les locaux de l’ancien palais de justice. Fort de cette réussite, le Grand Avignon s’est alors tourné vers le spectacle vivant. En étant acteur directement, par l’organisation deux festivals, un l’été : les Nuits Estivales et l’autre l’hiver avec les Nuits de l’Avent, mais aussi en soutenant les grandes institutions par le biais de subvention : le Festival In, l’Orap, Villeneuve en scène etc
Au premier janvier 2013 a été décidé le transfert de deux équipements : l’Opéra d’Avignon et la Salle dite Bardi à Vedène. Si l’Opéra n’est plus à présenter, la salle Bardi avait un fonctionnement plus confidentiel puisque limité aux activités associatives de Vedène.
Il s’agit d’un équipement de grande qualité avec un plateau remarquable et une capacité de 400 places assises. Doté de cet outil magnifique tout restait et reste à faire.

L. B. : Comment le milieu associatif vedènais a réagi face à ce transfert ?

A. E. : Très bien. Nous maintenons le lien avec le milieu associatif car cette salle était leur salle polyvalente. Nous mettons à leur disposition la salle pour 25 dates. Puisque nous avons une saison annuelle, nous nous sommes entendus que le mois de juin leur était consacré. Ils vont organiser une grande manifestation car cela reste aussi l’essence même de cet équipement. L’envie de travailler avec le milieu associatif local est présent aussi. Cela permet de créer du lien afin de s’implanter dans un territoire. C’est essentiel pour nous.

L. B. : Quelle est la ligne artistique de l’autre scène ?

A. E. : Nous avons trois axes qui sont la danse, les spectacles à destination du jeune public ou plutôt Tous publics, et enfin la musique actuelle
La discipline chorégraphique s’invite naturellement à l’Autre Scène puisqu’elle est dotée du plus beau plateau de danse de la région : 16 m d’ouverture par 10 de profondeur et des dégagements aisés.
Le ballet de l’Opéra s’y produit régulièrement et nous avons, pour cette année, invité la compagnie de Blanca Li à se produire. Pour 2016, Philippe Lafeuille viendra pour son troisième volet des Chicos mambo !

Le jeune public : les jeunes d’aujourd’hui sont le public de demain. La formation des enfants et adolescents au spectacle vivant sont pour moi du domaine du service public. Il s’agit de les insister à pousser les portes des théâtres et à découvrir d’autres visions et esthétiques du monde.
Par jeune public, nous entendons de la maternelle au lycée, notre programmation propose des spectacles pour chaque âges bien qu’il soit très difficile de faire déplacer les lycéens.

Enfin les musiques actuelles. Elles sont le prolongement de l’action jeune public. Jusqu’à présent, nous sommes limités pour des questions de jauges puisque nous ne pouvons accueillir que 625 personnes debout. L’investissement important pour augmenter la capacité d’accueil est important, mais des travaux seront effectués durant l’inter-saison et nous allons sur 2015-2016 pouvoir accueillir jusqu’à 1200 personnes. Cela présage des partenariats, notamment avec les Passagers du Zinc.

L. B. : Il y a aussi les créations estampillées L’Autre Scène. C’est un pari fou que de produire un spectacle ?

Orphée, Opéra Baroque - ©Cédric Delestrade ACM Avignon

Orphée, Opéra Baroque – ©Cédric Delestrade ACM Avignon

A. E. : Oui, en effet. Tout part d’une envie. On a la chance d’avoir cette salle qui est à son commencement et nous avons cette possibilité d’avoir le temps. On est à la fois gros et pas très gros, on ne peut pas avoir avec l’équipe technique restreinte un spectacle par semaine, et nous n’en aurions pas les moyens, et puis ce ne serait pas drôle. La possibilité de pouvoir créer sur place, c’est de faire résider des artistes sur un territoire, c’est pouvoir donner une couleur au lieu, faire découvrir des œuvres que nous n’aurions pas forcément dans le choix d’une programmation, et c’est aussi travailler avec les artistes du territoire, c’est leur donner accès à l’outil que représente notre structure. Et surtout aussi, notre territoire est plein de gens talentueux. Pour l’instant nous avons la maîtrise complète de nos créations, rien ne nous est imposé. Nous nous lançons des défis en quelque sorte.

L. B. : Comment sont diffusées vos créations ?

A. E. : Pour l’instant, nous sommes novices dans ce volet, mais cela reste réellement un objectif, permettre leur diffusion. L’ objectif aussi est de rassembler d’autres structures pour réaliser des coproductions afin d’assurer un minimum de représentations du spectacle créé car c’est frustrant pour l’équipe artistique de ne faire qu’une représentation. D’où le fait d’avoir repris L’extraordinaire noël de M. Scrooge, créé l’année dernière et de créer cette année, Orphée, de Louis et Jean-Baptiste Lully, sur un livret de Michel de Boulay, en coproduction.

Comment s’inscrire dans un territoire qui compte déjà une scène nationale, des théâtres privés et autres structures…?

A. E. : Il y a une volonté de travailler en partenariat avec les structures environnantes. Par exemple, nous accueillons le CDC Les Hivernales en février, pour le festival, sur deux dates. Nous sommes ravis de les accueillir et de créer ainsi ce partenariat. Il est nécessaire de développer des partenariats car nous ne savons pas tout faire. Nous allons travailler avec Les Passagers du Zinc et le festival Résonances. L’idée est vraiment de travailler ensemble et non chacun dans notre coin. Nous accueillons aussi des propositions de notre grand frère, l’Opéra Grand Avignon. Tout ceci nous permet de travailler sereinement sur les propositions que nous faisons.

L. B. : Le territoire du Grand Avignon est force d’une grande offre en terme de spectacle vivant. Quelles sont les recettes de la jauge pleine ?

A. E. : C’est une sacrée question… Aujourd’hui, nous sommes dans une démarche de nous faire connaître car nous sommes encore méconnu par une partie de la population du territoire. Cela fait, uniquement, deux saisons que nous sommes présents. Le transfert de la salle, à la communauté d’agglomération, s’est réalisé en 2013, en même temps que l’Opéra. C’est réellement notre première saison et nous avons des jauges qui ne sont vraiment pas mauvaises. Après on ne peut nier que le public fait des choix au détriment d’autres spectacles. Il y a aussi la concurrence d’Internet avec l’accès aux spectacles même si cela ne remplace ce que l’on peut ressentir dans une salle. D’autres facteurs entrent en jeu dans la réussite, et qui ne sont pas à nier, comme l’accueil, la facilité de parking… Nous sommes perfectibles en tout aujourd’hui.
Sur notre ligne jeune public, en accueillant les scolaires, nous leur donnons envie de revenir avec leurs parents, nous les habituons à une pratique du spectacle vivant, c’est notre objectif, et cela se fait sur le long terme.
Ensuite l’idée de faire jauge pleine, ce serait tomber dans la facilité que de prendre uniquement des têtes d’affiches. Cependant, lorsque l’on fait des créations avec des locaux, il y a des moyens pour remplir la salle. N’être qu’une salle de réception de têtes d’affiche de spectacles à consommer, ça ne m’intéresse pas trop, parce que cela devient très difficile de donner une couleur, une âme à la salle. Notre objectif est celui du rayonnement sur le territoire avec notre force créatrice. Nous sommes dans l’essai permanent en terme de programmation et nous découvrons notre public.

L. B. : Nous entendons souvent cette rhétorique : Le spectacle vivant coûte cher. Quel est le budget artistique de L’Autre Scène du Grand Avignon ?

A. E. : Nous avons la chance d’être un service public, car si nous étions une association ou autre, on ne pourrait faire tout ce que nous faisons. Il est vrai que nous n’avons pas de pression budgétaire, mais nous devons remplir quand même des conventions d’objectifs, cependant nous sommes assez libres et on nous fait confiance.
Pour l’artistique, je dispose de 120 000 euros. Nous arrivons à un total de 20 spectacles. Il y a 2 à 3 spectacles par mois. Je trouve que nous faisons du bon travail.

L. B. : Pour conclure, qu’est-ce qui anime l’esprit de L’Autre Scène ?

A. E. : Je place au centre de la programmation la relation à l’artiste. L’impact de la personne qui me présente le projet, la sensibilité de l’artiste lorsque je vais le rencontrer, pèsent beaucoup dans mon choix.

Propos recueillis le 9 janvier 2015.
Laurent Bourbousson

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