[Billet] Les Chiens de Navarre célèbrent la famille

22 mars 2022 /// Les retours
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Avec Tout le monde ne peut pas être orphelin, Jean-Christophe Meurisse fait la fête à la famille !!!

Très souvent, les metteurs en scène belges ont l’habitude d’ouvrir les barrières des choses convenues. Sans scrupule, ils rentrent volontiers dans l’intimité de chacun, la tête baissée et poussent la bienséance hors de sa normalité.

Avec Les Chiens de Navarre, on s’y retrouve – ils sont français et rejoignent, avec cette pièce, les metteurs en scène belges merveilleusement insolents…

On pose le cul sur des gradins, devant un spectacle bi-frontal et c’est avec un sourire narquois et des yeux de voyeur (où l’on regarderait par un trou de bite, vous verrez pourquoi !) que l’on va assister à ce carnaval insolent, grivois, percutant, incisif, sanglant, nous plongeant ainsi dans un drame familial aux intentions sarcastiques et aux regards incendiaires.

On va nous bousculer sans psy, ni analyse, et c’est comme ça, juste en écoutant leur discours, que l’on va commencer à rire jaune et à devenir des voyeurs involontaires.

En voilà une, alors, de logorrhée incendiaire, façon Festen ou Fête de Famille.

Parlons-en de Fête de Famille, c’est plutôt Rendez-vous à OK Corral avec insultes, règlements de comptes, et ignobles véridiques assignations.. C’est juste si on a pas envie de quitter la table et pourquoi pas de tuer son voisin !

Le décor kitsch à souhait est là pour servir d’espace à ces jouxtes assassines. Un trophée cloué au mur, accroché là, est le témoin de la tragique rigolade qui se joue sous ses yeux.

Pipi, caca, régression, couches culottes, bite, couille, sexe, partouze… Médée et la parodie d’Isabelle Huppert, bras ballants, bouche ouverte hurlant/pleurant et crachant… conversations répétitives et ordinaires énonçant des lieux communs à rire et à pleurer… et au milieu de tout ça, des coliques laxatives sur des chiottes bouchés. Manque plus que l’odeur, mais le Destop est bien là !

Décrire comme ça des successions de petites tragédies ne parvient pas à décrire la gêne et la jouissance mêlées au plaisir de devenir le membre de cette famille « je vous aime/je vous hais ».

C’est une drôle de vie que vivent ses membres, tous plus caricaturaux les uns que les autres, comme des images d’Épinal qui prendraient vie dans cet appartement ringard mais confortable.

Ce sont aussi des pleurs et les sanglots au moment où la mère succombe à une attaque sous les paroles de La Mama de Charles Aznavour… ce sont les cadeaux ringards offerts le soir du réveillon, c’est la baignoire pour un bain du pater familias loin d’être rituel car occasionnel… c’est la neige qui tombe sur la scène comme annonçant la naissance du fils prodige déjà poilu ou d’un arbre de Noël dans une poussette.

C’est simplement tellement décapant. C’est incisif comme un poignard qui fait gicler des larmes et des (fous) rires. C’est vulgaire et raffiné. En un mot, soit on est enfant de, soit on est orphelin, soit on est « famille je vous hais », soit « famille je vous aime ».

On ne peut choisir son camp. Preuve en est la mise en scène ouverte et horizontale. Les spectateurs sont placés face-à-face, tout est visible des deux côtés. La lutte et les choix seront frontaux ! Donc les dés sont jetés, à vous, à nous de choisir. À votre bon plaisir.

P.S. : On est parfois sidérés et déroutés devant ce que raconte Jean-Christophe Meurisse, mais très souvent on éclate de rire tellement c’est drôle et jouissif.

Francis Braun

Tout le monde ne peut pas être orphelin a été vu au Théâtre Les Salins – Scène Nationale de Martigues, samedi 19 mars.

Générique

Mise en scène : Jean-Christophe Meurisse – Collaboration artistique : Amélie Philippe – Avec : Delphine Cogniard, Lorella Cravotta, Charlotte Laemmel, Vincent Lécuyer, Hector Manuel, Anthony Paliotti et Olivier Saladin – Régie générale et plateau : Nicolas Guellier – Création lumière : Stéphane Lebaleur et Jérôme Pérez – Régie lumière : Stéphane Lebaleur – Création son : Isabelle Fuchs et Jean-François Thomelin – Régie son : Isabelle Fuchs – Costumes et régie plateau : Sophie Rossignol – Scénographie et construction : François Gauthier-Lafaye – Direction de production : Antoine Blesson – Administration de production : Jason Abajo – Chargée de production, d’administration et de communication : Flore Chapuis – Chargée de production : Marianne Mouzet – Stagiaire en production et administration : Flora Courouge

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