[ITW] Jean-Claude Gallotta pour Pénélope au Festival L’ImpruDanse

26 mars 2024 /// Les interviews
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Jean-Claude Gallotta donne au public de L’ImpruDanse deux rendez-vous. Le premier, dans le cadre des Jeudis docus du festival pour 3 courts-métrages sélectionnés par sa compagnie ; le second, pour le spectacle Pénélope, le mardi 2 avril. Avec son Groupe Emile Dubois créé en 1979, Jean-Claude Gallotta poursuit son travail impressionniste autour des figures homériques. Interview.

Plus de quarante ans après Ulysse, vous décidez de créer Pénélope, pourquoi ?
J’avais très envie de le faire, tôt ou tard, mais il y avait toujours une nouvelle création qui prenait le pas. Dernièrement, nous avons repris Ulysse et je me suis dit que c’était l’occasion de me lancer. Cela permet de présenter les deux pièces, un jour Ulysse et un jour Pénélope, car c’est la même équipe artistique et technique. Cela devient un concept intéressant pour les théâtres.

Et pour les spectateurs, peut-on imaginer le diptyque UlyssePénélope dans la même soirée, un peu comme une épopée chorégraphique ?
Je ne sais pas, on a déjà réussi un jour sur l’autre, mais les deux à la suite je vais y réfléchir. On pourrait faire Ulysse en matinée et Pénélope en soirée… ce serait formidable ! Pour l’instant ce n’est pas le cas. Je me souviens qu’on avait fait toute une nuit à Avignon en cumulant plusieurs spectacles, donc pourquoi pas…

La représentation de Pénélope

Que représente pour vous Pénélope comme figure mythologique et comme femme ?
On dit toujours que les artistes sont androgynes, qu’on fait des choses à la fois masculin et féminin, qu’on mélange tout. D’ailleurs je peux faire une danse avec deux hommes, deux femmes, un homme et une femme, mes danses sont assez abstraites pour être incarnées chaque fois par un genre différent. Aujourd’hui, c’est la figure de Pénélope qui s’est imposée car il y a eu celle d’Ulysse. La pièce avait été créée avant le titre, la danse était complètement abstraite et c’est le titre qui l’a fait résonner ; cette fois c’est l’inverse, je me suis un peu inspiré de Pénélope et de la mythologie. La première partie est consacrée aux prétendants et toutes les filles deviennent des Pénélope… Je me suis aussi inspiré des amazones, comment les femmes peuvent être dans un quintet très vivace. 

Avez-vous demandé à vos interprètes de relire Homère ?
On a parlé de mes influences littéraires et cinématographiques mais je leur laisse le choix. Il n’y a aucune obligation pour le rôle car c’est vraiment dans le studio que les choses se créent. Il m’est arrivé dans certaines pièces, je pense à Roméo et Juliette, de travailler à la table comme au théâtre. Pour Pénélope, je leur ai expliqué le concept de chaque séquence, j’ai utilisé des termes qui viennent certainement de la mythologie mais pour parler de danse.

Ulysse est un « ballet blanc » tandis que Pénélope, au contraire, est totalement noire. Quelle signification donnez-vous à cette dualité ?
Ulysse en blanc c’était pour marquer l’époque, l’ouverture, la Nouvelle vague. Il y a toujours eu dans l’histoire de la chorégraphie des artistes qui ont voulu faire leur « ballet blanc » comme les musiciens leur requiem. Je l’ai fait et cela a été un détonateur dans la danse contemporaine à l’époque. Un peu par provocation, j’ai eu envie de faire Pénélope en noir ! Cela pouvait être une mauvaise idée… j’ai demandé à la costumière Chiraz Sedouga et au créateur lumières Manuel Bernard, qui ont tous les deux travaillé sur la reprise d’Ulysse, de créer Pénélope en miroir. Cela a donné un noir lumineux et des effets très intéressants de contrastes. Je me suis souvenu qu’adolescent j’avais vu un film avec Kirk Douglas en Ulysse avec Pénélope tout en noir jouée par Silvana Mangano. C’était magnifique. J’ai eu envie d’aller dans cette esthétique et cet esprit-là.

Les multiple facettes de Pénélope

Au-delà de la figure de la femme délaissée, voir en deuil, j’ai l’impression que vous traitez Pénélope comme une femme amoureuse.
Il y a plusieurs facettes de Pénélope dans ma pièce. Toutes les filles sont un peu différentes, elles amènent des couleurs et des caractères différents. Il y a plusieurs tableaux : d’abord les hommes autour des femmes, ensuite les femmes qui prennent le devant de la scène puis les hommes qui essayent d’apaiser les choses. Il y a une autre partie où j’ai inversé les choses, où les femmes deviennent des prétendantes et les hommes des Pénélope. Le final est une réconciliation. Et entre les tableaux, j’ai inséré un film.

Justement, pourquoi cette insertion visuelle dans votre chorégraphie ?
Dans le film, c’est une danseuse de la compagnie qui a été blessée par la vie et un vieil homme de 102 ans avec qui je fais souvent des performances. Ils représentent une sorte de Pénélope et d’Ulysse aujourd’hui avec les tourments de l’amour. Comme vous le disiez, c’est comment on s’aime encore, comment on s’aime toujours… Dans les trois éléments cinématographiques qui viennent ponctuer le récit, comme des pauses, on voit deux êtres toujours en train de danser, de s’aimer, qui évoquent le temps qui passe  et l’amour qui reste.

Dans une interview à France-Culture (écouter l’interview) vous évoquez la place donnée à l’interprétation des danseurs et danseuses dans vos pièces. Comment avez-vous procédé pour Pénélope ?
A chaque tableau je leur ai donné des indications, des mouvements puis j’ai fait des retouches, toujours en dialogue avec eux. Quand ils en font trop, quand ils surjouent, je leur demande de revenir à l’essentiel. C’est cet entre-deux qui caractérise le groupe Emile Dubois, mon travail sur l’incarnation plutôt que sur le jeu. Je fais confiance à leur interprétation intuitive.  

Propos recueillis par Marie Godfrin-Guidicelli
Crédit photo : ©Guy Delahaye

Générique

Jean-Claude Gallotta au Festival L’Imprudanse : Les Jeudis docus : 28 mars à 20h au Musée des Beaux-Arts. Pénélope, le mardi 2 avril au Théâtre de l’Esplanade. Renseignements : ici

Chorégraphie Jean-Claude Gallotta – Interpètes : Axelle André, Naïs Arlaud, Alice Botelho, Ibrahim Guetissi, Fuxi Li, Bernardita Moya Alcalde, Clara Protar, Jérémy Silvetti, Gaetano Vaccaro et Thierry Verger – Musiques originales* : Noémi Boutin avec Géraldine Foucault et Marie Nachury, Sophie Martel, Antoine Strippoli – Assistante à la chorégraphie : Mathilde Altaraz – Textes et dramaturgie : Claude-Henri Buffard – Scénographie et lumières : Manuel Bernard – Assistant lumières : Benjamin Croizy – Costumes : Chiraz Sedouga – Séquences filmées par Paul Callet et interprétées par George Mac Briar et Béatrice Warrand avec les voix de Dominique Laidet et Béatrice Warrand

*musique :
partie – I : composition et interprétation de Noémi Boutin, Géraldine Foucault et Marie Nachury
production Cie Frotter | Frapper
partie – II prologue : composition d’Antoine Strippoli, interprétation de : Hélène Avice, Chrystelle Blanc Lanaute, Anne Lemariey, Sylvie Lemariey-Perrot, Salvator Lunetta, Laurence Romieu, Antoine Strippoli et Alice Tilquin, prise de son par Philippe Fontaine et Yann Perrin
partie III – IV – épilogue : composition de Sophie Martel, interprétation d’Eric Capone et de Sophie Martel

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