[ITW] Wendy Cornu à la rencontre des femmes pour sa nouvelle création TENDER

18 mai 2024 /// Les interviews
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En résidence aux CDCN-Les Hivernales (Avignon) pour la création de son nouveau projet TENDER, Wendy Cornu a engagé une démarche spéciale, pendant une semaine du 22 au 26 Avril. Dans cet interview elle évoque ses intentions ; elle revient sur son approche créative et dévoile des aspects importants sur cette nouvelle création prévu pour 2025. Son titre, qui parle de tendresse, nous invite à envisager une prise en considération plus attentive et plus soigneuse de la voix féminine, de la notion de l’émancipation sociale et de la critique des normes restrictives.

Iliana Fylla : Pour votre prochain solo, intitulé TENDER, vous avez choisi de mettre en place une stratégie discursive à travers des rencontres en tête à tête avec des femmes de la communauté élargie.
Quel intérêt portez-vous sur ces rencontres et comment pensez-vous les utiliser dans votre prochaine création ?

Wendy Cornu : À l’origine, TENDER devait s’appuyer sur les prises de paroles publiques de femmes dans leurs engagements féministes en France entre 1960 et 1995 (archives tv et radiophoniques) pour revenir aux racines de cet élan d’émancipation des femmes. Le coût financier des droits de diffusion de ces archives m’ayant forcé à changer de perspectives, j’ouvre d’autres possibles, notamment celle de la rencontre et l’enregistrement d’échanges intimes avec des femmes aujourd’hui. Dans l’idée de faire échos aux mêmes sujets que ceux des supports initiaux, nous les visionnons ensemble et je les laisse ensuite partager leur réflexion et évoquer leur vécu. C’est une source d’échanges, riche en inspiration.

IF : Un solo devient souvent le terrain d’exploration et d’expression de l’identité de l’auteur qui l’écrit ou de l’interprète qui l’interprète, en témoignant des récits qui émanent de sa propre vie. 
Ici, l’ensemble de témoignages et d’histoires personnelles diverses semble déplacer ce théorème. En quoi deviendrait-il un médium qui permettrait d’esquisser un récit dramaturgique unique et singulier, incorporé et mis en scène par un solo ?

WC : Oui ce solo va plus loin que l’expression de ma propre identité, même si elle sous-tend le propos : une création, c’est un regard intime que l’on porte sur le monde, subjectif, nôtre. Je crois que de ce fait, toute création est unique et singulière.
En effet, les témoignages seront utilisés comme support dramaturgique, sans savoir sous quelle forme pour le moment. Etant au début de ma recherche, cette piste sera explorée dans les étapes de création suivantes tout en ayant comme objectif de laisser résonner les récits des archives, les mêler aux récits de celles qui auront accepté de témoigner dans les rencontres, ainsi que de fouiller dans mon propre héritage. 

IF : La démarche d’écriture est poreuse, ouverte et inclusive, révélant une esthétique artistique proche des valeurs de l’art communautaire (Community art en anglais) si présent sur la scène artistique actuelle.
Que trouvez-vous d’important et d’intéressant dans le fait d’ouvrir les arts et plus particulièrement votre pensée et votre univers artistique à des femmes de tous les jours qui ne sont pas forcément des artistes ?  

WC : Être une artiste femme c’est être une femme avant tout, un point commun qui est fort entre elles et moi. Depuis le début de ma recherche, associer d’autres femmes à ce projet me semble intuitivement évident. Ce qui m’anime c’est trouver les résonnances communes de nos histoires. Et nous donner la parole.

IF : Vous avez choisi de travailler sur la parole féminine, sur la mise en valeur des histoires personnelles de chaque femme, des choses qui deviennent de plus en plus importantes dans notre actualité culturelle. 
Pourriez-vous nous parlez de cette nécessité, de ce choix ? 

WC : Nous, les femmes, qui sommes sans cesse, dans l’histoire, traduites par des interruptions de notre mémoire et de notre propre histoire, nous avons besoin de créer des espaces de transmission. Dans le spectacle vivant, les projets produits et diffusés des femmes artistes sont encore largement minoritaires, mais nous continuons de prendre la parole afin d’être entendues et continuer de faire bouger les lignes.

IF : Votre recherche chorégraphique est souvent induite par l’aspect musical, offrant des expériences immersives et multisensorielles à partager, à vivre ou à voir. 
Comment envisagez-vous de poursuivre cette recherche tout en introduisant l’aspect du témoignage dans le processus de conception de l’œuvre ? 

WC : Tout comme pourrait le faire une musique, les témoignages et les archives soutiennent la composition de la danse et des familles gestuelles se dessinent, en fonction du sens, de la rythmique syllabique, de l’intention… C’est une connexion intuitive comme avec celle de la musique, d’où je laisse émerger la réponse instantanée de mes mouvements aux stimuli sonores des mots.
Concernant l’expérience immersive, honnêtement je n’ai pas encore de certitudes. Il y a plusieurs pistes que je souhaite expérimenter. Intuitivement, j’aimerai pouvoir recréer pour chacun des spectateur cet instant de confidences intimes, cette relation de proximité qui favorise une écoute attentive, comme celle que j’ai eu avec les femmes qui m’ont rejoint lors des interviews. Je fais confiance au processus qui guide mon cheminement, en essayant surtout de ne pas avoir trop de projections mentales de ce que pourrait devenir le projet. Je préfère donner une prédominance au fond plutôt qu’à la forme. Et je crois en la sérendipité dans le processus créatif.

Propos reccueillis par Iliana Filla
Crédit photo : TENDER – Préambule ©Shirley Dorino / Illustration : ©Clifford Coffin Vogue 1949

Générique

Conception chorégraphique et interprétation : Wendy Cornu / Installation sonore et scénographie (en cours) / Accompagnement à la dramaturgie : Audrey Chazelle / Assistante : Julie Alamelle / Régie son : Antoine Perrin / Costumes : Julia Didier

Production : Mouvimento/Wendy Cornu 
Soutiens : KLAP – Maison pour la danse à Marseille, Les Hivernales, CDCN à Avignon, Le Ballet du Nord – CCN & Vous à Roubaix, Le Volatil – Manufacture artistique à Toulon, Pôle 164 à Marseille

Etapes du Projet TENDER :

– TENDER (Préambule), Août 2024 (Préambule) au Festival Crash et décollage – le VOLATIL – Manufacture artistique à Toulon
– TENDER (Préambule), le 7 novembre 2024 au Festival Question de danse  à KLAP Maison pour la danse à Marseille
– TENDER, en mars 2025 au Festival + de genres à KLAP-Maison pour la danse à Marseille

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