[VU] Des territoires (… et tout sera pardonné ?) de Baptiste Amann

19 novembre 2019 /// Les retours
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Allez assister à une des représentations du troisième volet de la trilogie Des territoires, écrit et mis en scène par Baptiste Amann. Vous pourrez dire : j’y étais ! avec cette sensation d’assister à un moment théâtral d’une rare intensité. Retour.

Une claque. Puis une autre. Baptiste Amann a cette facilité de convoquer des états différents, voire contradictoires, chez le spectateur, avec sa pièce au sous-titre entre parenthèses. (… et tout sera pardonné ?) est le 3ème volet de sa trilogie Des territoires. Il poursuit son travail sur les liens familiaux, qui débutait en 2013 avec (Nous sifflerons sur la Marseillaise…). Son écriture mêle les récits individuels à celui du groupe, afin de faire resurgir des événements de la grande Histoire, retour sur un passé résonnant pour tous au moment de l’action théâtrale.

Convoquer l’Histoire

Avec cet épisode, il convoque la figure iconique de la révolution algérienne, Djamila Bouhired, militante du Front de libération nationale (FLN) à travers le tournage d’un film, dans un hôpital où se recueillent Lyn, Sam et Hafiz. Ils sont au chevet de leur frère Benjamin, blessé lors d’émeutes dans le quartier qui les a vus grandir. En mort cérébrale, la fratrie doit prendre la décision du don d’organes.
Chacun se retrouve face à ses peurs, ses troubles et ses questionnements. Quel lien les relie ? À qui faut-il pardonner, une fois les décisions d’agir prises ?

Une mise en scène maîtrisée

Partageant son plateau en espaces distincts, Baptiste Amann maîtrise l’espace et le temps de chaque séquence qui construisent son texte. Il jongle de la chambre d’hôpital au hall d’accueil, lieu où vont faire connaissance Hafiz, l’enfant adopté, et Nailia, l’actrice incarnant Djamila Bouhired. Cette dernière déclenchera chez Hafiz la résurgence de sentiments enfouis, ceux d’un grand-père paternel militant au FLN et l’abandon du père, étant elle-même en conflit avec le réalisateur du film.
Sorte de coryphée, Moussa (Yohann Pisiou) porte la parole des victimes, celles des bavures policières et du monde politique au jeu trouble dont les individus sont des pions.

Mise en abîme, théâtre dans le théâtre, états d’interrogations profondes, tout est manié avec ce que l’on peut désigner comme étant du grand art. Et cela est assez rare aujourd’hui, pour le souligner et l’écrire noir sur blanc.

Baptiste Amann n’a peur de rien et le prouve avec le point final de sa trilogie. Sans porter de jugement, il expose ses propres résistances et questionnements et guide le spectateur dans un cheminement qui lui sera propre.
Avec un point d’interrogation dans son titre, son auteur vous laisse tout le loisir de savoir si le pardon est possible. Une chose est sûre, c’est qu’il vous permet de survivre face aux tempêtes les plus terribles.  

Des territoires (… et tout sera pardonné ?) a été vu au ZEF – Scène nationale de Marseille.
Laurent Bourbousson
Visuel : Sonia Barcet

Générique et dates

Texte : Baptiste Amann (à paraître aux Éditions Théâtre Ouvert/Tapuscrit) • Mise en scène : Baptiste Amann • Collaboratrice artistique : Amélie Enon • Scénographie : Baptiste Amann • Avec : Solal Bouloudnine, Alexandra Castellon, Nailia Harzoune, Yohann Pisiou, Samuel Réhault, Lyn Thibault, Olivier Veillon • Régie générale : François Duguest • Construction décor : Nicolas Brun • Création lumière : Florent Jacob • Création sonore : Léon Blomme • Scénographie : Baptiste Amann • Construction décor : Atelier Lasca • Costumes : Suzanne Aubert • Administration de production :  Morgan Hélou

À voir à La Garance – Scène Nationale de Cavaillon, mardi 19 novembre ; Théâtre de la Bastille (Paris) du 27 novembre au 13 décembre.

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