Vu : JOB de Lucie Augeai et de David Gernez – Cie Adéquate
Lucie Augeai et David Gernez aiment leur métier et lui font une déclaration d’amour à travers leur dernière création JOB. Quand danser devient une raison de vivre. Retour.
Ils sont 7 sur le plateau lorsque le public entre dans la salle. Ils sont 7 et chacun mime ce qu’ils répéteront à la fin du spectacle. Leurs gestes remercient la technique, le public de l’accueil qu’il leur réserve (ce geste de prendre les applaudissements pour les mettre sur le cœur), leurs expressions témoignent aussi de leur émotion d’entendre les applaudissements (Lucie Augeai, notamment) et tous s’accordent à faire montre de leur satisfaction d’avoir procurer du plaisir au spectateur durant le spectacle.
Du spectacle justement, il en est question ici. Lucie Augeai et David Gernez ont eu l’idée de mettre en scène le danseur, cet être étrange, aux yeux de certains, qui vit de son art. Les 7 interprètes vont donner de leur corps durant l’heure. Ils vont transpirer, répéter les gestes, improviser, danser, tantôt dans une énergie folle, tantôt dans une lenteur presque irréelle (on notera le passage en tutu d’Alexandre Blondel).
Tout commence avec des mots, des cris, des bruits de bouche. Quiconque a déjà pénétrer dans une salle de danse comprend : un simple sifflement ou un simple mot signifie au danseur, un geste. Ici, on entend flèche, câlin (mot lancé par Claire Lavernhe qui procure des rires), et autres rrrlllll, ou ahhhh. Et tout se met en état de marche. Ces sons réveillent les corps et le phrasé chorégraphique se met en place. Et la compagnie de danse se met en mouvement. Ils sont 7 mais paraissent être bien plus tant les gestes, les chutes au sol, s’enchaînent sur la composition musicale originale du musicien APPART. Chorégraphie et musique sont d’une efficacité implacable et l’effeuillage des danseurs commence. Ils n’en finissent pas d’enlever des couches et des couches d’habits, témoignages de la multiplicité de chorégraphes pour lesquels le danseur travaille.
Il sera aussi question du corps du danseur, maltraité par le rythme de ses interprétations multiples. Tous seront rassemblés autour de Marie Rual pour l’ausculter, reprenant des gestes d’ostéopathe. Un moment suspendu comme pour signifier la fragilité de ce corps et non dénué de poésie.
Lucie Augeai et David Gernez laissent aussi entrevoir la porosité de leur art à l’image du corps de Jean Magnard recouvert d’habits et transporté tel un gisant qui rappelle l’univers de la peinture, ou encore des emprunts de langages chorégraphiques à d’autres chorégraphes, car pour se construire, un danseur se nourrit de ses expériences. Ils croquent aussi ces moments d’improvisation demandés par certains chorégraphes (le fameux I feel love de Dona Summer qui peut s’étendre un peu).
Ce pari, de leur première pièce de groupe, est une réussite. L’écriture de la pièce est telle que le public assiste à la plus grande audition jamais dansée sur un plateau, laissant à chaque interprète le soin de s’exprimer. Lucie Augeai, Alexandre Blondel, Smaïn Boucetta, David Gernez, Claire Lavernhe, Jean Magnard et Marie Rual ont en commun cela : le plaisir de danser et de le partager.
JOB a été vu lors de la 38e édition du festival les Hivernales.
Les prochaines dates : 25 février – l’Atelier à Spectacle, Scène Conventionnée – Vernouillet (Dreux) (28), 10 et 11 mars – 3T Théâtres de Châtellerault (86), 7 avril – Scènes de Territoire, Bressuire (79).
Laurent Bourbousson
Photo du début d’article : JOB de Lucie Augeai et de David Gernez ©JacquesRoussel