[VU] Le bel « Héritage » de Cédric Eeckhout
Héritage, la pièce-témoignage-hommage que l’auteur-metteur en scène et comédien Cédric Eechkhout offre au public est une déclaration d’amour à sa mère, à toutes les mères et aux combattantes qu’elles sont.
Lorsque l’entrée public se fait dans la salle de théâtre, c’est un peu comme si on rentrait chez Cédric Eeckhout. Entouré de Pauline Sikirdji, musicienne et mezzo-soprano, d’Eulalie Roux, sa collaboratrice, et de Jo Libertiaux, sa mère, tous affichent un large sourire. À cour et jardin des cartons entassés, des objets hétéroclites et au centre, une table de salle à manger et en fond de plateau, un écran de cinéma. Voici pour le cadre.
Héritage, une plongée dans l’intimité d’une famille
L’ambiance est chaleureuse. Des « Bonjour » ici et là et des débuts de discussions par-ci par-là installent une atmosphère propice à nous faire nous sentir bien. Il faut dire qu’Héritage est bien plus qu’une pièce de théâtre, c’est une invitation qui est faite au public. Une invitation à entrer dans l’intimité d’une histoire de famille, à faire connaissance avec une femme et quelle femme, la mère de Cédric Eeckhout !
Puis, tout débute lentement. Ce n’est pas chez Cédric que nous sommes, mais bien chez sa mère. De par et d’autre de la table, ils sont assis. Son fils lui dit : « Maman, j’ai peur de te perdre et je cherche, avec ce spectacle, à te rendre hommage » .
Cette table va être l’épicentre de tout ce qui va se (re)jouer au plateau, sur fond de musiques et de chansons. Mère et fils vont livrer une histoire de famille, une histoire touchante mais également une histoire sociale et politique de la vie des femmes.
Héritage, un hommage aux combattantes de tous les temps
Avec ses complices au plateau, Cédric Eeckhout livre un vibrant hommage à sa mère. Celle qui pour échapper à sa famille se marie, afin de couvrir un semblant de liberté, va diriger d’une main de maître sa maison. Cédric, le quatrième enfant, devient l’archéologue du récit de vie qui s’écrit sous les yeux du public. Il démêle le vrai du faux car Jo s’arrange avec la vérité et fait ce qu’elle veut. Pour preuve, cela fait bien longtemps qu’elle a troqué Georgette, son vrai prénom, pour Jo et ce depuis sa plus tendre enfance.
Il questionne, fouille, se glisse dans la peau de sa mère pour mieux la comprendre. Il soulève quelques interrogations qui parfois ont du mal à trouver des réponses concrétes parce qu’elles rouvrent des blessures secrètes et profondes. Et comme réponse, Jo donne à entendre des « c’était comme ça pour nous les femmes, nous n’avions pas le choix » et transforme ce récit personnel en un récit universel.
Jo Libertiaux parle au nom de toutes les femmes à travers sa vie. Elle raconte sa rencontre avec son mari avec lequel elle aura quatre enfants, la joie d’être propriétaire d’une maison familiale. Puis vient le temps des complications dans une vie bien huilée. Un conflit entre son mari et ses parents fait exploser le couple. C’est le divorce, une nouvelle vie pour Jo et ses enfants, une vie dans laquelle il faut se réinventer.
De la maison pavillonaire, Jo déménage dans une petite maison qui devient la maison de plastique pour son dernier enfant. Ce toit va devenir au fil des années ce qu’il va appeler la maison de la combattante.
Les « vies de rien sont faites pour faire avancer l’histoire » dit Cédric Eeckhout. Celle de Jo, sa mère, en est une illustration parfaite. L’héritage qu’elle lègue à son fils et au public à travers ce spectacle est une sacrée histoire de combats menés au quotidien. Combats au nom de la liberté de l’affirmation dans un monde d’hommes et pour s’affranchir de tous les jugements toxiques.
Héritage est une pièce de laquelle on ne voudrait pas sortir. Jo ravive les souvenirs que chacun a avec sa mère. Elle édifie toutes les femmes et mères en combattantes valeureuses et tenaces. Cédric Eeckhout leur rend un vibrant hommage et signe une pièce épique parfaite. À nos mères !
Laurent Bourbousson
Crédit photo : ©Bea Borgers
Générique
Avec Cédric Eeckhout, Jo Libertiaux et Pauline Sikirdji / Écriture et mise en scène Cédric Eeckhout / Assistante et collaboratrice Eulalie Roux / Dramaturgie Nils Haarmann / Scénographie et costumes Bastien Poncelet / Perruques et coiffures Edith Carpentier / Régie générale Olivier Arnoldy / Création lumière Antoine Fiori / Régie lumière Mehdi Igoud / Régie son Benjamin Devillers / Travail vidéo Coralie Denooz / Construction des décors Ateliers du Théâtre de Liège / Confection des costumes Ateliers du Théâtre de Liège
Production Théâtre de Liège, DC&J Création / Coproduction Théâtre Varia, Théâtre les Tanneurs, Théâtre Dijon Bourgogne CDN et Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
Soutien Tax Shelter du Gouvernement Fédéral de Belgique, Inver Tax Shelter