[VU] OFF19 : L’incendiaire Acte d’Amour de Yann Karaquillo
Nous avions échangé avec Yann Karaquillo, avant sa venue pour le festival Off, autour de son texte théâtral, L’acte d’amour (à lire ici). Le public venu assister, au Théâtre des Carmes, à une lecture, en est ressorti sonné par la puissance de son écriture et par l’interprétation de Denis Lavant. Retour.
L’écriture de Yann Karaquillo
« Autant vous l’avouer tout de suite, je n’ai pas tout compris au texte, sauf celle d’une urgence à vivre » sont les premiers mots que j’ai prononcés à l’auteur Yann Karaquillo, lors de notre échange, quelques jours après la lecture.
« Ne vous inquiètez pas, je n’ai pas compris tout ce que j’ai écrit ! » , m’a répondu ce dernier. Voilà qui m’a rassuré fortement, même si je doute de la véracité de son propos.
Plus sérieusement, l’écriture de Yann Karaquillo est ciselée au cordeau, ce qui la rend forte et concise. Il a ce don de faire côtoyer l’absurde et la vérité (mais la vérité n’est-elle pas absurde ?), de se servir du passé pour en faire une dystopie effrayante, le tout dans une jubilation et un acte d’amour pour l’humanité. Car son texte en est vraiment un et il s’adresse aux borgnes, aux déséquilibrés, aux hommes, aux femmes, aux laissés-pour-compte, aux reclus, à tous ceux qui souffrent de ne pas être simplement.
Denis Lavant, un acte d’acteur
L’acte d’amour est une féérie fiévreuse, comme l’indique Denis Lavant au début de la lecture. Texte pour 13 personnages, il est sur scène pour tous les interpréter. Même s’il s’agit d’une lecture, le comédien donne corps aux personnages. Avec des objets chinés ici et là, il incarne un homme d’influence de 60 ans, sa femme élégante de 40 ans, un parachutiste suspendu, un soldat de 17 ans de l’armée de l’occupation, la femme du pied de l’arbre enceinte et balafrée, le coryphée, un milicien de 30 ans perdu, repenti et souriant toujours, la femme au petit singe sans âge, Rasha un enfant soldat automate fabriqué par le coryphée, et 5 miliciens.
Il éructe le verbe, donne aux mots tout le vertige nécessaire pour précipiter cette humanité ainsi constituée dans un fracas résonnant. Les mots sont siens. Il s’amuse avec, fait du plateau un terrain de guerre au nom de la survie de l’être, jusqu’à ce que tout soit rompu. Mais « ce n’est qu’un jeu » nous chuchote Denis Lavant.
À l’amour, à la vie
Cette féérie fiévreuse bouscule et enivre. Sur le plateau, en fond de scène, Laurent Rousseau accompagne de sa guitare électrique toute cette mascarade, satire de l’hypocrisie sociale ambiante.
Durant la lecture, on pense fortement aux images de guerre venues d’ailleurs, à quelques encablures de nous, à celles et ceux qui fuient l’oppression par n’importe quels moyens, à ceux qui souffrent dans un monde toujours plus féroce et contraignant la liberté de chacun.
Yann Karaquillo a pris comme point de départ, pour ce texte, l’infertilité de la terre et des êtres qui la peuplent. Par ce biais, il donne à entendre l’urgence de retrouver le goût à la vie, à l’autre si différent qu’il soit, aux réjouissances banales devenues obsolètes dans le monde d’aujourd’hui avant qu’il ne soit trop tard. Mais « ce n’est qu’un jeu » , rassurez-vous !
Maintenant, il ne reste plus qu’à espérer que les programmateurs n’auront pas la crainte de suivre ce projet et de l’inclure dans leurs parchaines saisons, car comme on vous le dit, « ce n’est qu’un jeu » .
Laurent Bourbousson
Visuels : Denis Lavant en répétition ©Franck Roncière
Générique
L’acte d’amour – lecture a été vu le 18 juillet au Théâtre des Carmes durant le Festival Off d’Avignon
Texte Yann Karaquillo | Interprétation Denis Lavant | Musique live Laurent Rousseau | Musique La Veuve Électro | Lumières Franck Roncière | Son David Mascunan
On aime. On aide.
Participez au financement de L’Acte d’Amour sur le site helloasso