Le festival d’Avignon n’aura pas lieu : la Compagnie La Locomotive répond à nos questions
Alors que les annonces d’annulation de festivals tombent en cascade depuis hier soir, suite à l’allocution du Président de la République, Ouvert aux publics donne la parole aux compagnies qui devaient venir présenter leur spectacle durant le mois de juillet à Avignon.
La compagnie de danse La Locomotive (Amélie Port et Yan Giraldou) devait présenter au Théâtre Golovine, Le petit cabaret, leur dernière création autour de l’univers de Marc Chagall. Venue la présenter en mars dernier, nous n’avions pu assister à la représentation et nous étions donné rendez-vous en juillet. Yan Giraldou, directeur artistique, chorégraphe et danseur, nous répond.
Alors que vous deviez participer au Festival Off en juillet, dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui après l’annonce de sa suspension ?
Nous attendions les annonces officielles concernant les festivals d’éte pour pouvoir nous positionner. Effectivement, nous espérions une annulation, non pas par peur de la situation sanitaire, mais par appréhension d’un festival où le public ne serait pas au rendez-vous, et durant lequel les programmateurs, s’ils se déplaçaient (sûrement en moins grand nombre), auraient eu les mains moins libres de part les difficultés qu’ils rencontrent déjà aujourd’hui. Jouer cette année aurait été une mauvaise opération.
J’ai trouvé personnellement les réactions d’Olivier Py à leur place. L’annulation ne pouvant venir que d’un comité sanitaire, d’une institution nationale et non d’une direction qu’elle soit artistique ou administrative. La réactivité dont l’équipe du Festival d’Avignon a fait preuve hier (un communiqué de presse a été mis en ligne en soirée ndlr) a permis d’être efficace rapidement. Je sais bien que depuis le mois de mars ses prises de parole sont polémiques… je respecte beaucoup l’artiste et sa prise de position. Je n’en dit pas tant du Off qui, pour le moment, est resté silencieux laissant les compagnies et les théâtres se débrouiller entre eux. Comme nous le savons, tous les théâtres du Off ne sont pas des philanthropes. Nous avions choisi de travailler avec le Théâtre Golovine, notamment pour ces raisons. Nous connaissons leur économie qui ne leur permet pas d’être laxiste, nous savons leur engagement sincère auprès des compagnies, et avions confiance dans leur intégrité en cas de crises. D’un commun accord avec eux, nous reportons donc notre participation avec un avenant au contrat de location pour le Festival 2021.
Avec ce non festival, quel va être l’impact économique sur votre compagnie ?
C’est compliqué d’imaginer que la création du Petit Cabaret devra attendre plus d’un an pour être visible par un maximum de programmateurs. Le gros des tournées ne s’effectuera donc qu’à partir de la saison 22/23… En attendant, il va falloir imaginer des solutions pour mener les projets de création. Réévaluer le planning des projets de façon créative pour avancer. Notre moteur est intact et nous avons ce volet pédagogique qui compte beaucoup et qui sera sûrement notre salut pour la saison prochaine.
Pour le moment, nous avions prévu de préparer une création in-situ pour les médiathèques et autres lieux de diffusion non conventionnels complémentaire au Petit Cabaret. Cette formule solo est une inspiration autour de l’oeuvre de Matisse. Nous créerons donc un parcours entre Chagall (Le Petit Cabaret) et Matisse. Nous envisagions une création plateau plus conséquente (4/5 interprètes) autour de Casse-Noisette et du Bahaus pour le début de saison 22/23…. c’est là qu’il va falloir réfléchir, inventer, créer des perspectives !
L’impact économique de cette annulation est compliqué à évaluer. D’un point de vue personnel, l’équipe ne pourra évidemment pas être rémunérée jusqu’à la reprise des activités (pédagogiques dans un premier temps). En terme de statut, cela risque d’être compliqué et nous attendons les mesures qui soutiendront les intermittents sans trop d’espoir non plus.
Les frais avancés pour le festival représentent un somme importante que pouvait supporter notre trésorerie en comptant sur la billetterie à venir. Nous espérons pouvoir mettre en place des projets pour l’automne/hiver prochain qui pourront compenser ce manque.
Il se trouve que les résidences prévues pour la prochaine création s’appuyaient également sur ce château de carte, et que nous reportons donc également ces périodes en bonne intelligence avec l’espace culturel qui devait nous accueillir.
L’impact est donc une mise en attente de nos activités et donne un énorme boost sur l’invention de nouvelles formes d’activités. Dans tous les cas, ce report est préférable à une obstination qui aurait conduit à une opération coûteuse et sans retours. Même si j’aurai aimé tenir tête, jouer de façon à résister à cette situation ubuesque. Nous n’avons pas les moyens de nous permettre d’être militant de cette manière.
La visibilité qu’offre Avignon est importante pour les compagnies. Avez-vous imaginer un dispositif afin d’être visible aux yeux des programmateurs ?
Concernant la visibilité, rien ne remplacera le Festival. Nous avions fait le choix de collaborer avec Derviche Diffusion pour cette édition 2020. Leur engagement, sur la préparation du festival et le mailing d’invitations aux professionnels, se transforme en un catalogue virtuel dans lesquels ils présenteront l’ensemble des compagnies en proposant l’envoi des captations. Nous verrons si cette opération virtuelle permet d’aboutir à quelques contacts.
Propos recueillis par Laurent Bourbousson.
Crédit photo : ©La Locomotive
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