[VU] Avec Matt et moi, Carole Bordes danse jazz
Alors que nous avions été mitigés sur sa précédente création (L’Elan Naïf), la chorégraphe et interprète de Matt et moi livre un solo-duo étonnant. Retour sur cette création à découvrir durant le festival Off d’Avignon, à La Scierie, du 30 juin au 20 juillet, les jours pairs.
Carole Bordes s’offre un solo-duo autour de la danse jazz, genre dépassé, classé au ringardisme de par les images qui nous viennent en tête à sa simple évocation. On voit alors des chorégraphies de groupe, où les danseurs sont affublés de costumes extravagants, ou bien de justaucorps, rappelant ainsi les comédies musicales de Broadway.
Mais la danse jazz est bien autre et Carole Bordes s’emploie durant une heure à nous montrer une facette de cette danse tant décriée depuis, reléguée dans les cartons des greniers. La jazz dance est morte, Vive la jazz dance !
Matt et Moi, un solo-duo
Carole Bordes partage son espace de jeu avec l’excellent batteur Samuel Ber. Lors de leur entrée en scène, tous deux échangent des regards qui en disent beaucoup plus que n’importe quelle parole. Les premiers gestes fusent, les premières notes retentissent.
C’est un dialogue qui se déroule entre eux. Il l’accompagne, à moins que ce ne soit elle qui le fasse. Il en est ainsi dans la jazz dance, la musique et le mouvement font corps pourrait-on dire.
Matt et Carole, Carole et Matt
Dans cette nouvelle création, la chorégraphe et interprète raconte sa découverte de la danse jazz, l’enseignement de son maître Matt Mattox, ses mensonges pour passer bon nombre d’auditions dans le milieu de la danse. « Non mais le jazz c’est pour les danseurs amateurs ! » entendra-t-elle lors de son parcours. Elle finira par mettre de côté son apprentissage pour devenir la danseuse que l’on attend d’elle.
Carole Bordes se livre sur le plateau et rend au genre Jazz ses lettres de noblesse. Elle se libère en paroles et en mouvements et offre un moment galvanisant teinté d’humour. Sa démonstration sur la naissance du dirty jazz est parfaite et l’on comprend aisément alors toutes les ramifications que l’on doit au jazz.
Construit sur des images qui lui ont fait du tort, le genre jazz en a souffert et s’est retrouvé relégué au fur et à mesure du temps au rayon du passé, du has been, voir du ringardisme. Et pourtant, l’on doit beaucoup de choses au jazz.
Carole Bordes exhume donc la mémoire de Matt Mattox dans cet opus au titre allumeur (vous en ferez la lecture que vous voudrez), et ouvre ainsi une nouvelle page à son répertoire, celle d’être elle, vraiment elle et c’est beau à regarder.
Laurent Bourbousson
Générique
Matt et moi a été vu au CDCN Les Hivernales, lors de sa résidence de finalisation. À découvrir à La Scierie, du 30 juin au 20 juillet 2024 (jours pairs) à 12h20.
Chorégraphie et interprétation : Carole Bordes (dont une partie d’après la Méthode Mattox) / Regard extérieur : Jean Gaudin / Batterie live : Samuel Ber (rencontre à l’Incubateur à Royaumont) / Scénographie vidéo : Johann Fournier (à partir d’images d’archives) / Création lumière : Benjamin Forgues / Création costume : Coline Galeazzi /Arrangement sonore : Jonathan Bénisty / Accompagnement au jeu : Thierry Bilisko
Le site de la compagnie : ici