Festival de danse Cannes, un festival aux esthétiques multiples

4 décembre 2019 /// Les retours
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Ouverture de la 22ème édition du festival de danse de Cannes, le week-end dernier. Une ouverture à l’image du festival, celle de la pluralité des esthétiques, et celle de sa directrice artistique Brigitte Lefèvre, généreuse et amoureuse des danses. Retour.

Samedi 30 novembre, en un après-midi, la danse a montré quelques-unes de ses esthétiques.

Un hommage à Béjart et la continuité de son œuvre

Le Ballet Béjart Lausanne, direction Gil Roman, a proposé un programme composé des œuvres chorégraphiques Tous les hommes presque toujours s’imaginent et Béjart fête Maurice.
Gil Roman, désigné par Maurice Béjart pour lui succéder à la tête de ce ballet, réussit, depuis 2007, de s’emparer de cet héritage. Il en est bien le digne successeur et transcende cet héritage pour en faire un style bien à lui, tout en ne reniant pas ce qui a fait les succès de Béjart.

Sa dernière création Tous les hommes presque toujours s’imaginent met à l’honneur les danseurs du brillant ballet. Dans une succession de tableaux, le public suit une aventure, celle des individus que porte notre humanité. Les images des migrants, d’amours contrariés et de fraternité embrassent les pas dansés. Jasmine Cammarota et Vito Pasini rayonnent dans cette variation humaniste.
Le chorégraphe a puisé dans l’univers sonore de John Zorn, l’un des compositeurs majeurs de la musique contemporaine, une bande son qui désoriente par moment, tellement les œuvres sont dissonantes des unes aux autres. Les lumières de Dominique Roman subliment le tout.

Béjart Ballet Lausanne ©Lauren Pasche

Pour Béjart fête Maurice, Gil Roman a mis en scène de courts extraits d’une dizaine de ballets de Maurice Béjart. Une certaine frénésie s’empare alors du public, chacun tentant de retrouver le nom du ballet dansé. Cette création fait la démonstration de la pluralité des sources d’inspirations du Maître et de sa façon de convoquer le sacré dans ses représentations dansées (on pense à Bakhti III avec Fabrice Gallarrague et de Mari Ohashi, ou encore à la IXe symphonie). Une excellence qui illumine encore aujourd’hui l’histoire de la danse. Et c’est avec un certain enthousiasme que le public salue avec une ovation bien méritée le travail de ce ballet et de son directeur.

Noé Soulier, un chorégraphe réjouissant

Removing de Noé Soulier ©DR

Après le Palais des Festivals direction le Théâtre de la Licorne, plus intimiste, pour Noé Soulier, jeune chorégraphe talentueux qui prendra la direction du Centre national de Danse contemporaine d’Angers à compter du 1er juillet 2020.

Le royaume des ombres et Signe blanc, création de 2009 et 2012 respectivement, étaient dansées, à leurs créations, par le chorégraphe en personne. 10 et 7 ans après, il transmet la chorégraphie à Vincent Chaillet, Premier danseur de l’Opéra de Paris.
Dans la première proposition, Noé Soulier qui a un long parcours en danse classique a travaillé sur les transitions du célèbre passage de La Bayadère. Le public assiste à une décomposition des mouvements et une démonstration des liants de ce passage qui est exposée sur scène. Dans Signe Blanc, la pantomime sert le chorégraphe à dessiner un tableau abstrait au fur et à mesure de l’écriture chorégraphique, alliant la parole au geste.
Vincent Chaillet fait siennes ces pièces. Il est d’une extraordinaire présence et signe un des plus beaux moments de ce début de festival.

Pour Removing, Noé Soulier s’attaque au geste. Il est entouré de Lucas Bassereau,Yumiko Funaya et Nans Pierson. Le collectif ainsi créé explore un catalogue de gestes et de séquences chorégraphiques. De ces gestes usuels tirés du quotidien, les quatre interprètes font de cette partition chorégraphique un moment d’une intense liberté où le sujet devient mouvement et le mouvement se nourrit du sujet.

Something is wrong de Kubilai Khan Investigations

C’est en direction du Forum Jacques Prévert, à Carros, que les festivaliers ont été conviés à assister à Something is wrong de la compagnie Kubilai Khan Investigations. Deuxième volet du diptyque consacré au réchauffement climatique et leurs causes sociétales, économico-politiques, cet opus succède à Bien sûr, les choses finissent mal.

©Agnès Mellon

Frank Micheletti met ici en sons et en mouvements l’urgence d’agir. À cour, le groupe prend place sur des praticables qui ne sont pas sans rappeler la banquise se détachant par plaques (images fortes en fin de proposition).
En convoquant la figure de Greta Thunberg en début de pièce, le chorégraphe fait de l’épineuse question du réchauffement le centre des préoccupations de la jeunesse. Et c’est toute une jeunesse qui se met en action par mouvements saccadés, par courses rappelant le ressac ou bien les tsunamis emportant tout sur leur passage.
Avec des néons servant d’éclairage à l’arène où se joue notre avenir, la lumière froide glisse par intermittence vers des couleurs chaudes, comme pour se souvenir que l’humanité est vivante et prête à faire corps.

Something is wrong illustre la direction que prend le chorégraphe, un savant mélange vers l’installation et la musique. Nous serons présents pour voir cette continuité qui ne demande qu’à s’étoffer.

Différentes esthétiques

Cette grande journée a permis de croiser différentes esthétiques du champ chorégraphique. Et c’est cela qui anime sa programmatrice, mettre au plateau différents corps et langages et esthétiques. Un Festival de danse qui conviendrait de passer au pluriel. Le rendez-vous est pris pour la 23ème édition, qui sera celle de la dernière saison de Brigitte Lefèvre à sa direction artistique.

Génériques et dates

BÉJART BALLET LAUSANNE
Tous les hommes presque toujours s’imaginent

Création 2019 – Première en région
Chorégraphie Gil Roman | Musique John Zorn | Collaboration vidéo Marc Hollogne
Première représentation à l’Opéra de Lausanne le 5 avril 2019

Béjart fête Maurice
Première en région
Chorégraphie Maurice Béjart |Mise en scène Gil Roman | Musique Ludwig van Beethoven, Anton Webern, Richard Heuberger, Johann Strauss, Gioachino Rossini, Hugues Le Bars, musiques traditionnelles juives, indiennes, africaines et pygmées | Création costumes Henri Davila | Création lumière Dominique Roman
Première représentation au Théâtre de Beaulieu, Lausanne le 16 décembre 2016

NOÉ SOULIER
Le Royaume des Ombres (Création 2009 – recréation 2019 avec Vincent Chaillet – Première en région) et Signe blanc (Création 2012 – recréation 2019 – Première en région)
Chorégraphie Noé Soulier | Interprète Vincent Chaillet, Premier danseur du Ballet de l’Opéra National de Paris

Removing (Création 2015 – Première en région – Pièce pour 4 danseurs)
Chorégraphie Noé Soulier |Interprètes Lucas Bassereau, Yumiko Funaya, Nans Pierson et Noé Soulier |Création lumières Gilles Gentner | Régie Lumières Victor Burel

KUBILAI KHAN INVESGATIONS
Something is wrong (Création 2019 – Pièce pour 4 danseurs et 4 musiciens)
Chorégraphie Frank Micheletti | Interprètes Patricia Hastewell, Idio Chichava, Maria de Duenas Lopez, Esse Vanderbruggen | Musique composée, jouée et mixée en live Frank Micheletti, Benoît Bottex, Sheik Anorak et Jean-Loup Faurat | Costumière Julia Didier |Création lumière Ivan Mathis|Régie son Laurent Saussol

Programme à venir :  Cannes jeune ballet Rosella Hightower (pièce initialement programmée le dimanche 1er décembre, reportée au 4 décembre), Sao Paulo Dance Company, Ballet Stanislavski, Compagnie Didascalie – Marion Lèvy, Olivia Grandville, James Sewell Ballet, Compagnie Difé Kako – Chantal Loïal, Sasha Waltz & Guests, Arthur Perole, Josette Baïz, Raphaël Cottin et Jean Guizerix, Compagne Humaine – Eric Oberdorff, Compagnie Yeah Yellow, Comapgnie S’Poart – Mikaël Le Mer, Ballet de l’Opéra national du Rhin, Compagnie Amala Dianor, Christian Rizzo-Marie-Agnès Gillot-Andrés Marin. Festival de danse Cannes Côte d’Azur jusqu’au 15 décembre 2019.

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