Le billet de Francis : Milk de Bashar Murkus
L’année dernière, le Festival d’Avignon recevait Le Musée du metteur en scène Bashar Murkus. Cette année, il revient avec Milk. C’est le billet de Francis.
Déjà l’année dernière à la Chapelle des Pénitents Blancs, Le Musée de Bashar Murkhus avait été une pièce difficile. Éprouvante à la fois par son sujet et par sa réalisation.
Hier sur le plateau de L’autre Scène du Grand Avignon à Vedène, MILK est devenu le territoire de la désolation, du martyre de la maternité, de la souffrance de toutes les femmes. Il y a des déluges de lait presque du début à la fin.
Ce lait qui coule pour hurler l’absence, les souffrances, les souvenirs des frères, des enfants, des hommes, ce lait des femmes qui n’en peuvent plus de ne pas allaiter, de ne plus pouvoir offrir leur intimité et qui déversent pour eux leur ruisseaux blancs aujourd’hui inutiles.
Il y a ce jardin imaginaire autour de ces mannequins de plastique, hommes réduits à une nudité inutile, ces corps de chair absente, ces automates vidés de leur vie.
Il y a cette femme qui accouche en haut de la colline et ce cordon ombilical qui retient comme attaché pour toujours l’homme christique, ce symbole de tous les fils/frères/amants/parents disparus…
Ce lait dont le ruissellement s’apparente à ce déluge tellurique et définitivement sans fin… la semence des hommes rejoint le lait des mères meurtries.
Ce long monologue des épouses délaissées, monologue des gestes SANS AUCUNE PAROLE DITE DU DÉBUT À LA FIN… qui se termine dans un bain rituel qui ne lavera jamais les crimes de la guerre.
Sont-elles en Ukraine, au Moyen Orient, partout et nulle part… aujourd’hui ou hier… certainement elles seront là demain à caresser l’absence, le manque, l’arrachement de la mort des enfants. Une disposition scénique qui ne va pas sans rappeler The Great Tamer… mais surtout… je n’ai aucune honte à dire la comparaison… j’ai pensé à la fin à Pina Bausch, revisitée avec quelques images aussi belles et saisissantes.
Ce texte pourrait être plus long, tant il bouleverse les spectateurs. Mais peut-être est-ce un spectacle trop imagé et qui en dire trop ? NON, il est indispensable. La poésie de l’horreur. Les applaudissements étaient impressionnants.
Francis Braun
Visuel : Milk ©Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon
Générique
Milk, jusqu’au 16 juillet, à 15h, à L’Autre Scène à Vedène.
Avec Firielle Al Jubeh, Eddie Dow, Samera Kadry, Shaden Kanboura, Salwa Nakkara, Reem Talhami, Samaa Wakim / Conception et mise en scène Bashar Murkus / Dramaturgie Khulood Basel / Musique Raymond Haddad / Scénographie et costumes Majdala Khoury / Lumière Muaz Al Jubeh / Accessoires Khaled Muhtaseb / Assistanat à la mise en scène Abed Al Jubeh