Sorties de résidences : Ana Abril, Balkis Moutashar, Théâtre Cœur de Terre, Michaël Allibert, Full Gop

16 mai 2019 /// Les retours
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Sortie de résidence, travail en cours, étape de travail…. autant de désignations pour inviter le public à rencontrer une œuvre en processus de création. Chez Ouvert aux publics, ces étapes nous intéressent particulièrement car elles permettent de voir le cheminement de la pensée créatrice chez l’artiste. C’est un peu comme l’arbre qui cache la forêt. Retour sur quelques sorties.

Les premiers essais

Marion Peuta dans Attitudes habillées ©Mirabelwhite

Balkis Moutashar a présenté dernièrement, au CDCN Les Hivernales, les premières pistes d’Attitudes habillées, création d’un ensemble de soli pour musées avec, en ligne de mire, la création d’un quatuor pour plateau.
4 jours venaient de s’écouler lorsque la chorégraphe a livré ses premières pistes. Ce projet est le fruit d’une longue maturation pour la compagnie. En préambule, il y a eu, cette saison, De tête en cape, spectacle chorégraphique pour jeune public dans lequel le costume questionne le paraître et l’identité, sous forme d’un conte. Attitudes habillées poursuit cette quête et questionne le costume comme étant une contrainte pour le corps. La focale se positionne sur le costume européen.
Lors de la sortie de résidence, l’historienne de la mode Catherine Örmen a évoqué les transformations des accessoires portés par l’ensemble. Le corset baleiné, la fraise, la coiffure normande, les manches gigot et autres précieux objets, créés par Natacha Bécet, Jasmine Comte, Marion de Matauco et Christian Burle, racontent ainsi l’évolution sociétale et la place du corps dans le jeu des relations. Ici, le mouvement se retrouve contraint. Une lutte ou une appropriation du costume s’engage lorsque la danse se crée.
Les premières essais furent très riches. Avec Attitudes habillées, Balkis Moutashar contextualise la relation costumes-corps, et laisse entrevoir le champ des possibles en recherche chorégraphique.

L’importance de la résidence longue

Michaël Allibert dans Esthétique du combat ©Sandra Rivière

Les temps de résidence longs permettent à un artiste d’affiner sa proposition.
Avec Esthétique du combat, projet de recherche débuté en 2017, le chorégraphe Michaël Allibert propose une vision poétique de la lutte. Alors que les premières phases de recherches et de mises en mouvement montraient un corps dans un environnement plastique, la réflexion a amené le chorégraphe à reconsidérer la place du corps.
La lenteur, l’immobilité et la nudité, constantes reconnues dans son travail, sculptent les situations et offrent une poétique du corps en lutte qui échappait lors de ses premiers essais chorégraphiques. La proposition est construite selon un ensemble de démonstrations de lutte.
Chaque tentative de combat, qu’il soit social, politique, économique, met le corps du danseur et l’attention du public en jeu. Une réflexion profonde sur l’engagement se met en place pour chacune des parties. Le public est actif dans cette démarche chorégraphique car Michaël Allibert questionne ce qui nous porte, nous anime afin de constituer un ensemble. Un ensemble que le public du CDCN Les Hivernales a été lors de sa sortie de résidence.

Éprouver le texte

Au Théâtre des Doms, la vitrine belge à Avignon, les sorties de résidence sont synonymes de convivialité et de discussion avec les compagnies, autour d’un pique-nique partagé.
Parfois, les interrogations relatives à la création jaillissent directement sur le plateau. Théâtre Cœur de Terre, en résidence pour Une peau de louve, a délivré au public un moment rare. Leurs propres interrogations venaient interrompre et questionner leurs actions sur le plateau.
Édith Van Malder interprète, avec Renaud Van Camp, le très écrit et merveilleux conte de Veronika Mabardi, où il est question d’un parcours de femme. Le dire est un rendu différent si les mots sont prononcés par une femme ou par un homme. C’est face à cet équilibre inhérent à la construction du spectacle que se retrouve Édith.
On notera que la création musicale d’Adrian Diaz et les accessoires (photographie d’accueil ©Laurent Bourbousson) de Laura Lamochi accompagnent parfaitement ce spectacle en devenir.

Quand le propos se construit

La mémoire des ogres ©Éric Sicard

Autre sortie de résidence, celle d’Ana Abril pour La mémoire des ogres, projet qui verra le jour en janvier 2020. 10 jours de travail, avec l’équipe au complet, ont permis à la compagnie avignonnaise Vertiges Parallèles de présenter 40 minutes du projet en cours. Le théâtre d’Ana Abril explose les codes. Lui donner une couleur, ce serait de dire qu’elle fait un théatre digne de la movida. Tout dans son théâtre aspire à la contestation et à la rebellion dans un esprit punk. Les moments où la réalité échappe aux situations donnent une note particulière à ce qui se joue sur le plateau. Les interprètes (Marion Bajot, Mardjane Chemirani, Nabil Hemaïzia, Régis Rossotto) trouvent leur place dans ce maelström situationnel. Chaque scène répond à l’autre tout en ayant son propre vécu. Ici, la sortie de résidence permet d’éprouver la construction même du propos.

Éprouver le propos

Pierre-Benjamin Nantel, danseur, et Octave Courtin, plasticien sonore, de la Compagnie Full Gop, ont présenté, en avril dernier au 3bisF (Aix-en-Provence), leur travail en cours L’équilibre des humeurs. Depuis leur début de recherche, le questionnement autour des postures du guidant et du guidé, du soignant et du soigné, s’est transformé en une recherche sur les humeurs constitutives de la vie quotidienne. Selon la théorie des humeurs, le corps est constitué des quatre éléments fondamentaux, air, feu, eau et terre possédant quatre qualités : chaud ou froid, sec ou humide (source wikipédia). Leur recherche met à jour ce qu’entraîne un déséquilibre d’un de ses élements. La matière plastique tient une place importante sur le plateau. Elle symbolise les quatre éléments, qui se font dysfonctionnels, agissant sur le corps en mouvement.
Leur sortie de résidence leur a permis de clarifier leur propos et d’approfondir leur travail sur la relation danseur et artiste plasticien.
Ce projet bénéficie du dispositif Tridanse qui favorise l’émergence de nouvelles formes de créations chorégraphiques mêlant danse et autres champs.

https://vimeo.com/326169667

Le temps de résidence nécessaire

De ces 5 sorties de résidences différentes, un élément les unit, la discussion que recherchent les compagnies. Même si montrer son travail en cours peut s’avérer compliqué face aux réactions démesurées face à un objet en devenir. Cependant, l’acte créatif se nourrit des retours publics. Cela permet aux compagnies de valider, de requestionner ou de modifier des axes de recherche.
Toutefois, ces temps de recherche se réduisent drastiquement pour une création, selon le motif purement financier et la frilosité pour les structures de s’engager sur certaines productions à venir.
Les premières victimes de ces temps raccourcis sont les créations des compagnies qui, malgré leur profond désir de proposer des œuvres, finissent par présenter ce qui peut paraître comme un travail non abouti.
Aux spectateurs, alors, de déceler les compagnies qui ont eu les moyens nécessaires de créer de celles qui n’en ont pas bénéficier, afin de porter un jugement correct sur l’objet vu.

Laurent Bourbousson

Génériques et dates

Attiudes habillées

Chorégraphie Balkis Moutashar | Interprétation Clémence Galliard, Marion Peuta, Sylvain Riéjou et Balkis Moutashar | Assistante à la chorégraphie : Emilie Cornillotd| Dramaturgie : Youness Anzanec| Costumes historiques : Natacha Bécet, Jasmine Comte, Marion de Matauco, Christian Burle | Création sonore : Géraldine Foucaults| Scénographie : Claudine Bertomeu
Création des solis le 12 janvier 2020 au Château Borely – Musée de la Mode de la Ville de Marseille

Esthétiques du combat

Conception et exécution Michaël Allibert | Artiste plasticien Jérôme Grivel | Créatrice lumière Laurence Halloy | Assistante chorégraphique Sandra Rivière | Régie générale Thierry Hett
Création les 5, 6 et 7 juillet 2019 au Festival Ruez & Vous

Une peau de louve

Création, mise en scène, scénographie, interprétation Édith Van Malder | Interprétation & dramaturgie Renaud Van Camp | Écriture & dramaturgie Veronika Mabardi | Collaboration artistique, regard extérieur Dominique Roodhooft | Création musicale, arrangements sonores, assistanat technique Adrian Diaz | Prises de son environnementales & arrangements sonores Jérôme Mabille | Consultant en expériences sonores immersives Antoine Bertin | Accessoires & confidences Laura Lamouchi | Costumes Catherine Somers | Consultante chorégraphe Lucia Vivas
Création en 2020 + projet d’une version du spectacle en forêt

La mémoire des ogres

Mise en scène et scénographie Ana Abril | Interprétation Marion Bajot, Mardjane Chemirani, Nabil Hemaïzia, Régis Rossotto | Musique/Son Léa Lachat | Lumière Michèle Milivojevic
Création janvier 2020 dans le cadre du Fest’Hiver – Festival des Scènes d’Avignon – au Théâtre des Carmes

L’équilibre des humeurs

Conception, réalisation et interpétation Pierre-Benjamin Natel, Octave Courtin | Création lumière Alice Panzieri | Suivi dramaturgique Marylise Navarro
Création 2020

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