TRIBUNE : Mitia Fedotenko : La Russie fait mal, la Russie va mal, être russe me fait mal.
Mitia Fedotenko est originaire de Russie. Il est chorégraphe et vit en France, à Montpellier, depuis presque 30 ans. Depuis 1999, il anime sa compagnie AUTRE MiNA. Il créé le festival Danse Platforma, en 2020. Aujourd’hui, nous partageons son regard sans concession sur les évènements actuels et sur sa position d’artiste russe en France.
La Russie fait mal, la Russie va mal, être russe me fait mal. Russe avec des racines ukrainiennes, je me dois de choisir entre la Patrie et la Vérité. Et sans la moindre hésitation, je choisis la Vérité. Il n’y a pas d’entre-deux.
La guerre fait mal à mon peuple fraternel Ukrainien, à mon peuple Russe, au monde entier ; elle me fait mal.
La Vérité me fait mal, car elle divise, elle s’immisce entre mes convictions humanistes et ma famille qui vit là-bas.
Par ma position et mon acte de dire НЕТ ВОЙНЕ! НІ ВІЙНІ! NON À LA GUERRE! NO WAR!, je risque 15 ans de prison en Russie.
Pris entre 2 feux, je vis et je crée mes projets chorégraphiques en France, le pays qui m’a accueilli à bras ouverts il y a plus de 25 ans déjà et où j’ai trouvé « un refuge », une terre propice pour mes projets et idées de Création… Mais aujourd’hui, une autre Réalité me rattrape, le difficile sentiment d’être Russe parmi le peuple français et Européen.
Dois-je me justifier d’être Russe, de parler ma langue natale, d’être un artiste qui crée des pièces comme « roulette russe » ou « AkhmatModi », qui fait appel aux œuvres des artistes russes et ukrainiens Akhmatova, Tsvetaïeva, Dostoïevski, Gogol, Brodsky, Tarkovski, Malevich…. pour avoir la possibilité de créer, diffuser mes projets ?
Je n’ai pas de solution immédiate, mais je sais que je DOIS ALLER VERS L’AVANT ! Travailler pour maintenir les liens avec ma famille, mon pays, mon peuple, le Monde – CRÉER – un synonyme de construire, bâtir, inventer, dialoguer, aimer. CRÉER, toujours CRÉER !
Mitia Fedotenko
Visuel : Mitia Fedotenko dans roulette russe ©Alain Scherer