[VU] Avec la 41e édition de son festival, le CDCN Les Hivernales affirme son identité

1 mars 2019 /// Les retours
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Le samedi 16 février, le clap de fin était donné pour la 41e édition des Hivernales, le festival du CDCN d’Avignon. Retour.

En clôture du festival, on est tenté de dire : les Hivernales ont brossé le public dans les sens contraires du poil ! Enfin ! , car c’est cette sensation que nous avons eu après cette semaine, durant laquelle on a pu voir Lia Rodrigues, découvrir Nach, Oona Doherty et Ligia Lewis, entre autres.

Des noms à retenir

Parce que de découvrir de nouveaux artistes, cela reste le propre d’un festival, cette 41e édition a rempli son objectif. En ouverture, le public a croisé le chemin de Nach avec sa palette de couleur allant du sombre au rouge avec Cellule. Jeune pousse prometteuse, on est curieux de voir la suite.
En milieu de semaine, Ligia Lewis et son Minor Matter, qui a été loin de faire l’unanimité, nous a embarqué dans les peintures de Jérôme Bosch et questionné la cruauté du vivre. Le trio, composé d’un nouveau pour cette date, a proposé un spectacle radical, laissant sur le côté une petite partie du public. Mais qu’est-ce qu’il était bon d’assister à cette proposition !
Mercedes Dassy avec i-clit a proposé sa vision du féminisme. Décoiffant par son propos, bousculant la représentation que l’on peut se faire de la femme, jouant sur les codes du machisme, l’accueil fut chaleureux de la part du public jeune. Depuis, nous n’écoutons plus Amoureuse de Véronique Sanson de la même façon et c’est tant mieux !
Autre femme forte présente dans la programmation, Oona Doherty. Bluffante, énergique, radicale, l’artiste nous a apporté son Dublin au Théâtre des Carmes, lieu qui donnait un supplément d’âme aux deux trop courts soli de la chorégraphe.
Paul/a Pi nous a profondément troublé avec son Ecce (H)omo. À travers le prisme de l’héritage de la danse de Dore Hoyer, le chorégraphe questionne la notion de l’identité. Un beau travail qui est à saluer.

Qui dit festival dit comparaison

Et là encore, voir spectacle sur spectacle nous pousse à faire des comparaisons, à recouper des propos, des gestuelles.
Si Tatiana Julien appelait au Soulèvement, nous avons été beaucoup plus secoué par Oona Doherty, le lendemain ou encore par Mercedes Dassy. Toutefois, et c’est ici que cela est intéressant d’échanger, le public a apprécié le propos développé en deux parties distinctes. Nous avons discuté avec celles et ceux qui avaient été soulevés par la proposition, même si de notre côté, nous n’avions rien ressenti ou si peu. Il n’en reste pas moins que l’on a reconnu en Tatiana Julien une belle interprète performatrice.
Reste aussi la difficulté d’enchaîner deux propositions qui ne laisse pas le temps de souffler et de sortir d’une proposition. Ce fut le cas lors de la soirée qui présentait la création de Manon Avram et celle de Jan Martens. Quand on se retrouve entre nous, chacun retrouve sa place de la chorégraphe nous a profondément questionné et nous avions une réelle envie de rester avec l’ensemble de l’équipe du collectif pour échanger, car cette proposition appelle au dialogue. Nous avons été bousculés. Des interprètes magnifiques, des comédiens qui nous embarquent… peut-être trop. La colère, la honte et les larmes nous ont traversés. Cette pièce poursuit son chemin et amène à la réflexion. Voilà qui est précieux. Cependant, il fallait partir rapidement à Cavaillon pour assister au Rule of Three de celui que l’on présente comme l’enfant terrible de la danse contemporaine. Malgré la gestuelle millimétrée du chorégraphe, la musique de NAH percutante, le trio composé des trois corps diamétralement opposés, une lumière merveilleuse, nous étions encore trop accrochés à nos questionnements pour apprécier l’essence et l’exercice de style qu’offre cette proposition.

Des propositions fédératrices

En début de festival, le public était convié à vivre une expérience insolite pour un travail en cours d’élaboration en cœur de ville. Danser l’architecture, mêler l’individuel au collectif, faire tomber les barrières de la représentation de soi et inviter au laisser-aller, étaient les propositions du Parcours audioguidé par Naïf Production. Défi relevé pour cette expérience qui a mis ses participants en joie. Autre tentative dans leur parcours chorégraphique, le très réussi et intelligent Des gens qui dansent.
Le Collectif ÈS a orchestré le bal participatif I wanna dance with somebody. La compagnie a également présenté
Hippopotomonstrosesquippedaliophobie ou la tentative d’un spectacle à venir. La proposition intrigue et amuse par son côté répétitif. Les différents tableaux sont les pièce d’un puzzle que les interprètes mélangent sans cesse afin de brouiller l’ordre chronologique de l’acte de la représentation. Sous ces airs légers, Hippopo interroge notre rapport au temps qui passe pour le transformer, certainement, en phobie, thème principal de la pièce. Nous les retrouverons dans la programmation estivale du CDCN avec Jean-Yves, Patrick et Corinne.
Mélanie Perrier a surpris le public avec Quand j’ai vu mon ombre vaciller. Une proposition riche et multi-dimensionnelle qui regroupait une exposition, un spectacle et un livre. Une œuvre féconde pour cette artiste qui prend soin du spectateur.
Autre sujet fédérateur, celui du sport, et plus particulièrement du football. Le chorégraphe Mickaël Phelippeau mettait à l’honneur les Footballeuses et évoquait le monde machiste du sport.

Le spectacle de l’édition

À n’en pas douter, Fúria de la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues est le spectacle de cette édition. Véritable charge politique pour le Brésil multiculturel et contre la politique violente et inhumaine qui s’intensifie, les interprètes nous ont contaminés de leur transe. Ils resteront gravés dans nos mémoires ad vitam aeternam.

Avec sa programmation de 17 spectacles, l’équipe du CDCN Les Hivernales a su proposer des spectacles s’adressant à différentes sensibilités : de Carmen(s) de José Montalvo et ses envolées à We were the futur de Meytal Blanaru où la propositions si radicale nous laisse perplexe sur ce que nous réserve demain les relations à l’autre et au temps, en passant par le questionnement sur l’action en face duquel Manon Avram nous met.
Cependant, une chose est certaine, la programmation a gagné en force. Nous sommes entrés dans le XXIe siècle, avec ses questionnements, sa politique et sa mutation chorégraphique. On ne peut que se réjouir de cette affirmation de l’identité du CDCN.

Laurent Bourbousson, Séverine Gros, Camille Vinatier

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